Suivi de Chantier : 6 mois de rénovation dans un 280 m2 décryptés
Au fil de ce chantier haut de gamme, la société de travaux Kermarec revient sur les points clés d’une rénovation réussie. Bravo à notre confrère !
Qui vit ici : une famille avec trois enfants
Début des travaux : 22 février 2017
Livraison des travaux : 13 juillet 2017
Architecte d’intérieur : Agence Cotrel
Entreprise générale et menuiserie sur mesure : Kermarec
Nous venons d’entrer dans l’appartement par la cage d’escalier principale qui se trouve juste derrière nous. En face à gauche se trouve « le grand salon » et juste à droite « le salon de lecture ». La double porte de droite dessert la nouvelle cuisine laquelle s’ouvre sur la salle à manger.
Cet appartement est typique des beaux haussmanniens parisiens, accessible à la fois depuis la cage d’escalier principale de l’immeuble et par un escalier de service, par lequel circulait autrefois le personnel. Il dispose d’une partie principale sur rue (à gauche sur le plan) comportant en particulier les pièces de réception, deux chambres et une cuisine, qui avait dû être aménagée dans une chambre au fil du temps. Un grand couloir longeant la cour de l’immeuble dessert deux chambres de plus et, tout au bout, derrière l’escalier de service prend place la cuisine et l’office d’origine.
Aucun des ornements de l’appartement haussmannien d’apparat ne manque : hauts plafonds moulurés (3,70 m), murs avec lambris et cimaises, parquet chêne en point de Hongrie, cheminées en marbre avec miroir trumeau…
Mandatée par les propriétaires, l’agence d’architecture d’intérieur Véronique Cotrel s’est chargée au préalable de toute la phase de conception. Elle a déterminé la reconfiguration des lieux pour propulser dans la modernité cet appartement typique du XIXe siècle et elle a fait éclore les choix design des maîtres d’ouvrage qui souhaitaient apporter à leur logement des couleurs, du caractère, plus de pièces d’eau et des rangements pratiques. Toutes les cloisons en rouge sur le plan précédent ont été déposées.
Ce type de projet concentre plusieurs enjeux d’importance qui nécessitent une société de travaux dimensionnée. Il est nécessaire de conserver l’existant, la base historique haussmannienne avec ses moulures et corniches en staff, son parquet à l’ancienne, ses portes moulurées magistrales et même ici sa verrière façon vitrail. À l’inverse, il est nécessaire de reconfigurer les circulations et les pièces d’eau, refaire toute la technique de A à Z, la plomberie, les sanitaires, l’électricité, le chauffage, l’isolation… pour sécuriser, mettre le logement aux normes et le rendre confortable. Il est également nécessaire de repeindre l’intégralité du volume, le décorer, traiter les sols et les murs. Enfin, les propriétaires contemporains, en recherche de praticité, sont de fervents adeptes de menuiseries sur mesure, rangements, banquettes, bibliothèques…
Dans la foulée des études, l’entreprise est intervenue, à la demande de l’agence d’architecture d’intérieur : « Nous apprécions partir d’un projet d’architecte car le projet est cadré, réfléchi, et cela facilite notre intervention. Nous disposons de plans fiables et les matériaux sont déterminés. Nous intervenons pour mettre en exergue les contraintes techniques et trouvons des solutions qui respectent le projet créatif de l’agence », explique Étienne de Vaumas, gérant associé de la société Kermarec.
Pour suivre ce gros chantier, qui s’est étalé sur 21 semaines d’affilée et a nécessité en permanence 3 à 10 personnes sur place, Kermarec a mandaté deux chefs de projets — l’un pour la partie rénovation, l’autre pour la partie menuiserie — un binôme dédié aux travaux pendant toute leur durée.
Intervenue en novembre 2016, la phase de dépose a été assez rapide. Celle-ci permet de s’assurer de repartir sur des bases saines. Dans cet appartement par exemple, « à la dépose nous nous sommes aperçus que les plafonds étaient très abîmes. Les poutrelles métalliques qui structurent l’immeuble entre chaque niveau étaient en mauvais état, très rouillées. Il a fallu reprendre tout le traitement des fers avant de passer les réseaux puis de refaire les plafonds », explique Étienne.
Au moment du passage des réseaux, qui s’est étalé sur une dizaine de semaines dès février 2017, de nombreux sols ont également été déposés, en particulier dans l’entrée, les couloirs, l’ancienne cuisine devenue salle à manger… « Nous déposons délicatement les parquets haussmanniens car ils devront être remontés. Nous faisons courir les nouveaux réseaux en créant des passages puis nous reposons les sols. Quand il y a des manques, nous posons un parquet massif et avec le traitement par ponçage puis la vitrification de l’ensemble des planchers, nous arrivons à recréer une excellente homogénéité », explique le pro.
La menuiserie sur mesure est un autre des aspects majeurs des rénovations haut de gamme actuelles. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, elle ne s’organise pas en cours mais dès le début du chantier. « Dès le départ, on affine les choix mobiliers avec le client, détail des meubles, choix des finitions, de la quincaillerie. Nous présentons des échantillons au maître d’ouvrage qui peut être amené à hésiter par exemple entre massif, plaquage, laque ou stratifié. Puis nous lançons les plans techniques de fabrication et les commandes », explique Étienne de Vaumas.
Pour répondre à ce besoin croissant de mobilier sur mesure, la société Kermarec a investi dans sa propre menuiserie depuis quelques années. C’est à Porto que se trouve son atelier de 3500 m², équipé de machines numériques de dernière génération où 25 menuisiers travaillent à l’année pour les projets de l’entreprise.
Ce qu’Étienne appelle « la petite menuiserie » est un autre des postes importants. Il désigne ainsi les plinthes, les baguettes, les poignées de porte et également la vérification des parallélismes des portes anciennes, l’état de fonctionnement de leur serrurerie, le bon état des chambranles… « Souvent sous estimé par les clients et les architectes, la petite menuiserie constitue un vrai lot en tant que tel. Nous provisionnons ce poste sur nos devis très détaillés afin d’anticiper ce lot et les surprises », explique-t-il. Sur ce chantier par exemple, la petite menuiserie a nécessité un mois complet de travail.
Dans ces grands haussmanniens, les plus importantes modifications concernent néanmoins le déplacement de la cuisine et la création de pièces d’eau. Il est nécessaire de ramener la cuisine isolée au fond de l’appartement vers les pièces de vie pour mieux correspondre au mode de vie contemporain. Cela n’a pas fait exception sur ce chantier. La nouvelle cuisine est venue se nicher dans l’ancienne salle à manger où une verrière ancienne a dû être entièrement reprise et remise à neuf.
« Ici il y avait même deux cuisines, l’une sur la partie rue et l’autre au fond de l’appartement. La première a été transformée en salle à manger, l’autre en deux chambres. Nous avons donc entièrement recréé la cuisine ailleurs. Cette famille a fait le choix de garder une pièce fermée mais très vaste, près de la salle à manger, au cœur des espaces de vie. Souvent nous déplaçons la cuisine directement dans le salon », précise Étienne de Vaumas.
La société Kermarec a fabriqué et posé cette banquette dans le bow-window tandis qu’un staffeur est venu recomposer en plâtre les moulures anciennes à l’identique. Par ailleurs, un maître vitrier est intervenu pour réviser la miroiterie et en particulier la verrière de la cuisine. « Les parcloses ont été désassemblées, et les vitrages opaques changés par des vitrages transparents. Certaines parties d’origine ont été restaurées et les joints en plombs réparés », explique Étienne de Vaumas.
La salle à manger privée de la famille était une chambre à la construction de l’appartement, avant que la pièce ne soit au fil du temps transformée en cuisine.
Dans cette pièce, le parquet a été refait complètement. Une niche a accueilli une étagère et une enfilade sur mesure pour enfermer la vaisselle.
Comme dans toutes les autres pièces, les murs ont été entièrement révisés et repeints. La préparation des murs est l’étape qui a duré le plus de temps sur ce chantier, à savoir 10 semaines complètes à partir de la phase de dépose. « On ne se rend pas toujours compte qu’avant la dernière couche de peinture, il y a un travail colossal. Le rebouchage des fissures, la pose d’enduit en plusieurs passes, le ponçage et les multiples couches de peinture », témoigne le pro. Pour repeindre un si grand appartement, il a fallu le concours de plusieurs peintres sur les deux derniers mois du chantier.
La chambre parentale avec son dressing et sa salle de bains privative est venue se loger à la place des deux anciennes chambres sur rue.
La tête de lit a été décorée d’un papier peint représentant un paysage lointain en grisaille. « Ce ne sont pas les peintres qui s’occupent de la pose du papier peint mais des spécialistes. Avec l’arrivée des papiers peints panoramiques, les raccords sont très délicats et on n’a pas le droit à l’erreur », explique Étienne de Vaumas.
Le couple s’est offert un dressing sur mesure de 12 m² pour lequel il a fallu choisir les finitions bois, le placage façon laiton brossé de la niche, le type de poignées, l’intérieur des placards… « Le travail de menuiserie est un travail très différent de celui de la rénovation, c’est pour cela que nous avons deux chefs de chantier distincts. Au bout de huit semaines, quand le chantier est assez avancé et les faux plafonds posés, il vient prendre les côtes précises pour lancer la fabrication du mobilier. Les plans d’exécution au millimètre près sont réalisés pour servir sur les machines de découpe numérique. La fabrication prend plusieurs semaines, parfois en plusieurs lots, selon la taille du chantier », poursuit Étienne de Vaumas.
Et bien sûr le carrelage a été commandé dès le début du chantier car huit semaines sont en général nécessaires pour le recevoir. Une fois la plomberie terminée, une semaine est consacrée à parfaire les étanchéités, en particulier dans les douches à l’italienne. Puis la pose intervient. « Ici les grandes plaques de Kerlite ont nécessité l’expertise d’un poseur très expérimenté », souligne Étienne.
« Cet appartement avait la particularité d’être traversé par un immense couloir qui desservait deux chambres, la cuisine et l’office. Il distribue désormais la partie nuit de avec les trois chambres d’enfant et une chambre d’amis », explique Étienne de Vaumas. Afin de casser la froide rectitude des murs, l’architecte d’intérieur a fait habiller le couloir de bibliothèques. Au centre, elle a cherché à redonner de la fonction à cette circulation grâce à un meuble sur mesure qui sert de banquette/coin lecture et de rangement. La banquette a été encadrée par un cadre de peinture saumon et noir qui crée un fond de scène déco et habite les lieux.
Face à la banquette, s’ouvre la première chambre d’enfant. Pour l’entreprise de rénovation, le travail était classique : poser un papier peint panoramique, restaurer des cimaises et moulures, poncer et vitrifier un parquet…
Dans la chambre de l’autre petite fille de la famille, comme dans celle de son frère, de grands placards sur mesure ont été ajoutés. Étienne revient à cette occasion sur une observation importante par rapport à ce lot : « Les phases de menuiserie sont différentes de celles de la rénovation et présentent une contrainte particulière sur un chantier car elles peuvent parfois l’allonger. Quand l’espace est petit, il faut bien anticiper les phases de pose qui peuvent empêcher les autres corps de métiers de travailler. »
Si les délais d’allongement de chantier sont courants lors de rénovations, les abandons de chantier existent aussi, comme le rappelle Étienne… « Mon banquier me disait encore la semaine dernière que c’était un sport pour certaines entreprises de rénovation de se monter pour un an avant de disparaître et de se remonter sous un nom différent. C’est une réalité à Paris et on vient encore souvent nous trouver car une entreprise a abandonné son chantier et que la société ne répond plus », poursuit-il.
Au cours du chantier, Étienne de Vaumas accorde aussi une grande importance à la « relation tripartite » entre l’entreprise, l’architecte d’intérieur et son client. « C’est une relation essentielle et c’est à ça que servent les réunions de chantier hebdomadaires. L’architecte cadre le chantier et nous permet de gagner du temps avec le client qui a besoin d’être (bien) accompagné pour se décider. Mais nous tenons aussi à voir le client régulièrement pour avoir en direct son ressenti », explique-t-il.
Notez que même lorsqu’un maître d’ouvrage s’est entouré d’un architecte ou d’un architecte d’intérieur, il est important sur le plan juridique et contractuel qu’il entretienne une relation avec l’entreprise de travaux en tant que payeur.
Pour conclure, alors que nous visitons la chambre d’amis aménagée dans l’ancien office, Étienne de Vaumas rappelle : « Nous avons besoin qu’une relation de confiance s’instaure entre le maître d’ouvrage et nos équipes car c’est ce qui nous incite à nous dépasser. Même si le maître d’ouvrage, comme sur ce chantier, nous pousse sainement à respecter nos délais ! »
Que pensez-vous de ce chantier ?